Je suis née un 22 février dans un petit hôpital d’une banlieue de Londres. Mes parents sont deux Moldus sans histoire qui se sont rencontrés à l’université d’Oxford. Mon père était en sciences, ma mère en économie, et ils étaient tous les deux très logiques et rationnels. Faits pour s’entendre, ils attendirent d’avoir tous deux un travail stable et de rentrer dans classe sociale plus élevée avant de fonder une famille. J’étais la deuxième. Ma grande sœur Harmony, de deux ans mon aînée, n’étais pas prévue mais très bien accueillie. Toute petite déjà, elle suivait consciencieusement la route de nos parents : tout aussi rationnelle qu’eux, elle excella bientôt en mathématiques et suivit une scolarité exemplaire. Quant à moi, c’était une autre histoire. Mes parents furent sous le choc quand mes pouvoirs magiques se manifestèrent de telle sorte qu’ils ne pouvaient plus l’ignorer et tentèrent en vain de se renseigner sur mon état. Sans succès, ils étaient prêts à oublier ce bref chapitre qui semblait prendre la poussière et reprirent une existence normale. Mais moi, je n’étais pas prête à oublier. Bien que jeune, je comprenais vaguement ce qui m’arrivait sans vouloir vraiment y croire. Je n’étais plus sûre de qui j’étais, de ce que j’étais, de ce qui me caractérisait, de ce qui allait advenir de moi. D’ici partirent mes complexes et se traça mon avenir.

A l’école primaire, je n’avais pas beaucoup d’amis fidèles. Je m’entendais sans problème avec tout le monde, mais il n’y avait personne avec qui m’accrocher, personne à voir le samedi après-midi, personne à inviter à son anniversaire.  Je me suis vite fait des amis à moi, des amis héros de romans, personnages de films. Dans mes rêves éveillés, j’étais au cœur d’un royaume médiéval troublé, entourée de proches fantastiques et d’animaux magiques. Quelle déception quand je retournais dans le monde réel, tirée de mes rêveries par de grands gestes agaçants. Jamais je n’ai cru en un quelconque dieu moderne que ce soit. Je m’étais toujours dit que si le malheur existait en ce monde, c’est qu’Odin, Rê ou Zeus s’était laissé dépasser par Loki, Seth ou Hadès. J’en suis arrivée, je ne sais comment, à la conclusion que les dieux mauvais étaient plus puissants que les dieux des dieux et que les vilains gagnaient toujours, de quelque façon qu’il soit, face aux héros. C’est alors que j’ai commencé secrètement à croire en ces dieux des Enfers ou du mensonge et que j’ai commencé à être une déviante face à la route tracée par Harmony et mes parents, qui restaient bras ballants, désemparés.

Puis ma lettre de Poudlard arriva. Toutes mes réponses sont arrivées en même temps que ce parchemin qui sentait le renfermé, et de nouvelles questions se sont formulées, auxquelles j’ai pu trouver les réponses dans les livres obligatoires de la liste de courses. Ma visite sur le Chemin de Traverse avec toute ma famille fut assez mémorable : nos yeux s’écarquillaient un peu plus à chaque magasin et de nombreux sorciers habitués, en tenue magique, se retournaient sur notre passage pour esquisser un sourire parfois narquois, parfois amusé.

De retour à la maison, ma mère m’aida à empaqueter mes affaires. Ma sœur, visiblement jalouse, refusait de me parler depuis notre visite du Londres sorcier et ne se montra pas. Je n’eus pas l’occasion de lui dire au revoir, car mes parents m’emmenèrent pour King’s Cross dès le lendemain matin. Je haussai les épaules, il n’y avait que sept semaines avant le début des vacances d’Halloween, Harmony ne me manquerait pas trop. Après des adieux pas vraiment déchirants, je montai dans le Poudlard Express et laissai ma vie de Moldue derrière moi.

Etant donné que tout ce monde inconnu m’angoissait déjà pour mon premier jour, je ne comprenais pas trop le stress de tous les autres pour cette fameuse Cérémonie de Répartition. Est-ce qu’il fallait démontrer ses pouvoirs ? Je ne les contrôlais pas, après tout, j’étais là pour apprendre, mais peut-être que les enfants de sorciers connaissaient déjà les astuces pour lancer des sorts. Quelle n’était pas ma surprise quand je découvris qu’il fallait simplement mettre un vieux chapeau rapiécé sur la tête pendant quelques secondes ! En y réfléchissant à deux fois, je n’étais pas tout à fait sûre de confier mes secrets les plus outrageux à un chapeau, mais tous les autres semblaient à l’aise avec cette idée. Quand mon tour vint –un peu trop vite à mon goût–, je m’avançai doucement et prudemment puis jetai un coup d’œil à la table des professeurs. Ils semblaient tous bienveillants. Bien.

Depuis, je m’épanouis à Poudlard, entourée de proches avec qui je peux bien m’entendre. Depuis ma cinquième année, j’ai été nommée Préfète de ma Maison. C’est un poste qui me plaît, j’aime bien la tonne de responsabilités qui repose sur mes épaules. Je me sens utile et complète. Les rondes de nuit sont un peu pénibles, mais les Préfets se soutiennent entre eux et l’ambiance est au beau fixe entre les responsables de chaque Maison. J’ai hâte de voir ce que ma sixième année va donner et j'espère que mes notes vont rester aussi haut qu'elles le sont actuellement. En tout cas, je vais travailler pour. L'année dernière, j'ai pu faire le tri et ne garder que les matières qui me plaisaient vraiment, contrairement à des blagues comme la Divination. Mon but à court terme serait aussi d'assurer le poste de Préfète au point d'être nommée Préfète-en-Chef l'année prochaine, mais la concurrence est rude.

Seule ombre au tableau : la loi du mariage arrangé. Je pensais qu’elle ne s’appliquait pas à moi puisque j’étais née Moldue, mais je me trompais. Il y a peu, j’ai reçu une nouvelle lettre officielle qui m’a étrangement rappelé l’été de ma première année, mais elle était vraiment moins réjouissante. Apparemment, je suis sensée trouver un promis en environ un an et l’épouser. Pour vivre avec jusqu’à la fin de mes jours, le laisser toucher mon corps, avoir des enfants. Je suis sensée le choisir maintenant. Il a cru quoi, Shacklebolt ?
Après quelques jours de réflexion, j’ai donc tout simplement décidé d’ignorer cette lettre, peu importe ce qui arrivera ensuite. Je joindrai le clan anti-mariageentresorciersarrangé et rallierai Azkaban avec fierté, pour y épouser un Détraqueur et y vivre jusqu’à la fin des temps. Peut-être qu’avec un peu de chance, mon mari Détraqueur m’initiera à la Détraction et je pourrai, moi aussi, en devenir un. Ca doit être sympa et rigolo.

Même s’il faut que je conduise la révolte, je n’ai pas grand-chose à perdre. Je suis prête.