Lors d’un voyage à Columbia, Cayrel Vestrit, un sang pur américain d’une grande famille et côtoyant la sphère médiatique moldue, a trompé sa femme avec une jolie et mystique femme de chambre du grand hôtel où il logeait. Elle est tombée enceinte, ayant oublié sa pilule contraceptive, et lorsque l’homme le sut, il réagit comme le gentleman qu’il avait prouvé ne pas être. Il donna son numéro de téléphone professionnel à la femme de chambre et promit de lui envoyer quelques centaines de dollars par mois pour s’occuper de l’enfant. Ne voulant pas cracher sur une deuxième rentrée d’argent, Amelia, 20 ans, célibataire, sans avenir glorieux, choisit de garder l’enfant et d’accepter la pension versée en secret par l’homme. Mais cet enfant qui allait lui prendre ses plus folles années, elle n’en voulait pas vraiment, et elle le savait pertinemment. Elle allait devoir l’accueillir correctement, mais elle ne voyait en ce petit être qui grandissait en elle qu’un parasite faible et inutile.

Parasite qui naquit finalement trois trimestres plus tard, avec des yeux verts grands comme des soucoupes et une expression étrangement triste et désabusée. La jeune femme, après de longues heures de travail douloureux, choisit de l’appeler Nettle. Nettle, parce que ce n’était rien de plus qu’une ortie, qu’une mauvaise herbe qui gâchait un beau jardin. Son père, en échange de la pension, put choisir son deuxième prénom qui, sans surprise, s’avéra être Althea, nom de la femme qu’il aimait profondément, malgré ses frasques, qui les séparaient un peu plus chaque jour.

L’enfance de Nettle fut moins triste que ses premières semaines : en effet, sa mère avait beau la traiter comme une esclave quand elle était au domicile familial, la petite pousse verte passait le plus clair de son temps chez ses amis, dont le nombre se multipliait chaque année. Populaire, elle n’avait jamais vraiment le temps d’apprendre ses leçons, et même si elle était pleine de bonne volonté, elle prit assez vite du retard, au même rythme que ses camarades. Sa mère ne se préoccupant que de savoir si elle était en vie, jamais Nettle n’aurait pu bénéficier d’aide et son avenir semblait déjà tout tracé : aussi lamentable que celui de sa génitrice.
Toutefois, un jour, ce qui devait arriver… arriva. Alors qu’elle devait cuisiner, Nettle faisait tranquillement fondre le beurre dans la casserole, tandis que les pommes de terre s’épluchaient d’elles-mêmes, dans l’évier. La jeune fille avait pris l’habitude de se faire discrètement aider pour ne pas se faire gronder, mais ce jour-là, sa mère l’observait d’un œil jaloux. Elle hurla au monstre, elle frappa sa fille, elle courait dans tous les sens et fracassait des objets au sol dans un vacarme assourdissant. Elle s’enferma ensuite dans sa chambre, ne voulant sortir que si Nettle quittait définitivement la maison. Jouissant alors d’une liberté de geste totale, la jeune fille pensait que tout irait mieux, mais elle n’était en rien soulagée. Le lendemain, elle fouilla parmi les vieilles affaires de sa mère, cherchant frénétiquement un numéro, une adresse qui lui permettraient de s’échapper : retrouver son père lui semblait la seule solution viable pour ses jours futurs.

Et elle le trouva.

Heureusement pour elle, son numéro était toujours d’actualité et il répondit à la première sonnerie, laissant à Nettle un goût amer dans la bouche : il devait bien connaître le numéro appelant.
« Oui, allô ? Amelia ? »
« Bonjour Monsieur, je… Je m’appelle Nettle. Il se pourrait que je sois votre fille. »
« … »
« Monsieur ? J’ai un gros problème. Ma mère me voit comme un monstre. Aidez-moi… »
« … »
« Depuis que les pommes de terre se sont épluchées toutes seules, elle… »
A ces mots, il rompit son silence. « Comment ? Qu’as-tu dit ? »
« S’il vous plaît, me laissez pas vous aussi, je suis pas un monstre ! »
« Non, non, je ne raccrocherai pas. Tu dis que tu as épluché des pommes de terre à distance ? »
« Oui, je fais ça souvent pour aller plus vite. Mais cette fois, ma mère m’a vue et veut que je m’en aille. Mais je sais pas où aller. »
« Je vois… Ecoute, si tu as quelques affaires, mets-les dans une valise. Je n’ai pas d’autre choix, je vais venir te chercher et t’emmener chez moi. Il y a quelques choses que je dois t’expliquer. »
« D’accord, Monsieur... »
« Oh, je pense que tu peux m’appeler Papa. Si c’est encore trop tôt, tu peux toujours m’appeler Cayrel. »
« Oui… papa. »
Ces mots sonnaient délicieusement dans sa bouche. Après avoir raccroché, la petite fille sauta sur ses pieds et prit le plus gros sac qu’elle a pu trouver. Elle fourra tous ses vêtements, ses livres et ses jouets dedans, puis s’assit dessus pour le fermer plus facilement. Elle frappa à la porte de la chambre de sa mère, restée fermée depuis la veille, et lui cria au revoir. Elle n’eut pas de réponse. Quelqu’un frappa à la porte, et Nettle vit son père pour la première fois.

Il n’était pas très beau, mais il n’était pas non plus laid. Il avait, certes, du charme, mais la jeune fille était trop petite pour le percevoir. Sans un mot, il la prit dans ses bras, la souleva, ramassa son sac et transplana.

Le transplanage fit un drôle d’effet à Nettle, comme pour la première fois de tous les sorciers. Elle aurait volontiers décrit cette expérience comme « entrer dans un tube trop petit, étirer le tube en essayant de sortir, et finalement sortir en tirant très fort », si elle n’avait pas été aussi abasourdie.

Cayrel la déposa doucement sur un grand fauteuil, dans lequel elle s’enfonça, puis posa son sac à côté de lui, près du canapé opposé.
« Alors… Je crois que nous avons beaucoup de choses à nous raconter. Commençons par le début, veux-tu ? »
Nettle acquiesça rapidement.
« Je m’appelle Cayrel Nihal Vestrit. Je suis ton papa. Et toi ? »
« Moi, je m’appelle Nettle Althea Alhague. J’ai 8 ans. »
« Hm… Je n’ai jamais aimé le fait que ta mère choisisse de t’appeler comme une ortie. »
« Je n’aime pas, moi non plus. Peut-être que tu pourrais m’appeler juste Althea ? »
« Vois-tu, chérie, ça risque d’être un peu compromis… Ta mère ne t’a jamais raconté d’où te venaient tes prénoms ? »
« Ben… Elle m’a appelé Nettle parce qu’elle me voulait pas. Mais sinon, non. »
« J’ai choisi de te nommer Althea parce que c’est le prénom de la femme que j’ai blessée en te… en te faisant. »
« Hein ? »
« Je ne sais pas trop comment te raconter ça, tu es jeune… » s’excusa-t-il en passant sa main dans ses cheveux châtains. « Althea est le nom de ma femme », lâcha-t-il au bout d’un moment.
« Mais comment tu as pu savoir qu’elle s’appellerait comme ça ? »
« Parce qu’elle était déjà ma femme quand tu es née, voilà pourquoi. Et elle a été très triste en apprenant, un peu plus tard, que j’avais une fille qui n’était pas d’elle. Tu comprends ? »
« Oui. »
« Mais elle se réjouit de te rencontrer, ne te sens pas coupable, tu n’y peux rien et elle le sait. Elle s’occupera bien de toi, et moi aussi. »
Les yeux de la petite fille s’agrandirent de bonheur.
« Et pour tes prénoms, eh bien… nous allons t’en trouver des nouveaux. O.K ? »
« O.K ! » cria Nettle en riant de tout son cœur.

Lorsqu’Althea rentra chez elle du travail, elle savait qu’elle devrait faire un gros effort pour accepter la petite fille qui n’était pas d’elle mais qui renfermait pourtant la moitié de son époux. Quand elle vit Nettle, cependant, elle se rendit vite compte qu’elle ne lui trouverait jamais un point commun avec son père et que l’adopter serait une formalité bien vite résolue, tant la petite fille était appliquée et agréable. Après tout, ils n’avaient jamais eu d’enfant, car Althea avait subi une opération lorsqu’elle était jeune adulte, et Nettle tiendrait ce rôle à merveille.

Ainsi fut fait. Après maintes et maintes explications sur le monde magique, Nettle fut rebaptisée par un nom d’étoile, comme le veut la tradition de la famille sang-pur Vestrit, et répondait désormais à l’appellation Aludra Starling Vestrit.

Un an de joie familiale passa alors bien vite, jusqu’au retour d’Amelia, qui avait réussi à trouver la maison. Elle voulait sa fille. Après maintes et maintes négociations et proposition de la part des deux camps, Cayrel et Althea, ne voulant pas céder, appelèrent la police qui embarqua Amelia au poste le plus proche. Une enquête fut ouverte, à la suite de laquelle le jugement tomba : dû au manque de stabilité du foyer d’Amelia, Aludra resterait avec Cayrel et Althea. Officiellement et définitivement.

Pour éviter une nouvelle visite impromptue d’Amelia, Aludra, Cayrel et Althea déménagèrent outre-Atlantique et choisirent la plus grande ville des Îles britanniques : Londres. La famille fraîchement composée s’intégra bien vite à la population anglaise, et bientôt, leurs coutumes n’avaient plus de secret pour les trois américains.

Lorsqu’elle termina sa primaire avec les honneurs, sans être pour le moins dérangée par la guerre civile qui opposait les sorciers, Aludra reçut une lettre d’une fameuse école de magie écossaise, Poudlard, qui venait de renaître de ses cendres et où elle pourrait enfin apprendre à canaliser ses pouvoirs magiques et les utiliser aussi bien que ses parents. La rentrée arrivée, les voir s’éloigner sur le quai lui déchira le cœur, mais elle se fit vite une place dans cette école et retourna chez elle à chaque période de vacances. Sa scolarité se déroula normalement, sans briller ni exécrer, et elle obtint une bonne majorité d’A.S.P.I.C sans trop travailler et entourée d’amis.

Elle se trouva bien vite un travail au bureau de poste de Pré-au-Lard, puis à Weasley, Farces pour sorciers facétieux, à Londres. Une fois suffisamment d’économies empochées, Aludra prit son indépendance et loue depuis un studio dans le Londres Magique, au nord du Chemin de Traverse, mais rend régulièrement visite à ses parents, avec qui elle entretient une très bonne relation.

Il y a quatre ans, Aludra trouva son étoile et tomba amoureuse d’un jeune homme, Noctis. De deux ans son aîné, il avait étudié à Beauxbâtons et était venu travailler à Londres pour améliorer son anglais. Ces deux-là s’étaient rencontrés par hasard, dans un bar, et le lendemain matin, il avait décidé de rester chez Aludra un petit moment. Romantique français, rêveuse anglaise, ils avaient tout pour s’entendre, et Aludra pensait se promettre à lui, qui était arrivé au bon moment, puisqu'elle venait de recevoir une lettre de rappel du Ministère. Elle découvrit néanmoins, quelques jours avant, qu’elle était tombée enceinte. Son monde s’écroula, Noctis retourna en France, se trouvant trop jeune pour assumer, et ses parents, abasourdis par la nouvelle, ne lui parlèrent plus pendant plusieurs mois. Seule au monde, Aludra essayait de s’accrocher du mieux qu’elle pouvait, de s’accrocher à la pensée que le petit bonhomme au fond d’elle avait besoin de quelqu’un, qu'il avait besoin d’elle autant qu’elle avait besoin de lui. Et puis un jour, elle se décida et frappa à la porte de ses parents qui furent désolée de la voir aussi mal. Ils l’aidèrent à surmonter cette épreuve et l’assistèrent quand elle commença le travail.

Grenat Nox Vestrit naquit en faisant le bonheur de sa mère et de ses grands-parents. Elle ne connaîtrait probablement pas son père, mais après tout, Aludra ne suivrait jamais la même voie que sa mère et Grenat sera heureuse, beaucoup plus qu’une certaine Nettle ne l’a été. Elles seront heureuses toutes les deux.

Depuis deux ans, Aludra a créé sa propre entreprise, aidée financièrement par ses parents : une agence matrimoniale. Elle a sauté sur l’occasion, quand elle vit que les jeunes sorciers n’arrivaient pas toujours à trouver de promis dans les temps impartis. Avec quelques démarches auprès du Ministère, elle a pu obtenir d’eux que les jeunes inscrits sur les listes de l’agence ne seraient pas sanctionnés par la loi, du fait qu’ils sont en recherche active et dans l’incapacité de trouver un conjoint. C’est une grande victoire pour elle, qui, grâce à Grenat, a payé sa dette envers la société en mettant au monde un enfant magique. Elle n’est pas encore retombée amoureuse et n’y croit plus trop, mais cela lui importe peu, puisqu’elle peut passer sa vie seule sans se préoccuper des lettres de rappel.

Depuis peu, un co-gérant a fait son entrée dans l’agence matrimoniale : James. Tellement de sorciers étaient inscrits qu’il aurait fallu qu’Aludra se dédouble pour suivre tous les rendez-vous, alors il a été plutôt bien accueilli au sein de la micro-entreprise. Cependant, il fomente un coup contre le Ministère et Aludra aurait préféré ne pas être mêlée à ça : elle sait qu’elle est une exception et préférerait rester discrète sur sa condition de mère célibataire. Elle s’inquiète quotidiennement que James n’attire l’attention sur elle, mais d’un autre côté, suit de près ses réflexions sur la loi de 2000, qui ne la ravit pas non plus.